Le métier de restaurateur est loin de se réduire à la seule activité de préparation et de cuisson des aliments. Bien avant d’en arriver là, le restaurateur doit penser aux matières premières alimentaires qui feront l’objet de ses délicieuses recettes et de ses plats gourmands.
Le choix de la qualité des matières premières s’avère donc une étape cruciale et délicate que le professionnel doit suivre de près. Pour ce faire, vous devez prendre en compte les critères d’ordre économique (coût des marchandises, prix de marché, satisfaction de la clientèle, succès de l’établissement), gustatif (expérience gustative des convives) et sanitaire (hygiène alimentaire des produits). D’ailleurs, la formation en hygiène alimentaire HACCP vous garantit une maitrise impeccable du sujet.
Ravitailler son restaurant en matière de viandes, fruits, légumes, œufs, produits laitiers et autres produits indispensables à la fabrication des plats nécessite le développement en amont d’un plan de gestion des matières premières alimentaires. Crise financière, perte de clientèle, déchets importants sont tant de signes avant-coureurs d’une mauvaise gestion des matières premières. Problème, en réalité, qui est parmi les premières causes à l’origine de la fermeture des restaurants.
Afin de favoriser une activité prospère, il est donc nécessaire que tout restaurateur sache définir ses besoins d’approvisionnement en matières premières au prorata de la demande et du rythme de vente.
Table des matières
Quelles sont les matières premières alimentaires ?
Définition d’une matière première :
Dans le monde de l’alimentation : secteur agro-alimentaire, métiers de bouche et restauration, il convient de parler de matières premières alimentaires. Elles sont issues de différentes activités d’agriculture telles que l’élevage du bétail pour les viandes et les volailles, pêche et cultures marines pour le poisson, crustacés et mollusques, grandes cultures (blé, maïs, orge…), et culture des protéagineux (légumines, pois, féveroles…).
Cycle de vie des matières premières alimentaires : de la « fourche à la fourchette » :
Ces produits alimentaires subissent très peu de transformation de la part des acteurs de la chaîne agro-alimentaire. Après leur production, ils sont confiés à des entreprises de conditionnement et de distribution qui se chargeront du service de transport et d’approvisionnement des restaurateurs.
A ce stade là du processus, les matières premières sont désormais laissées aux soins du chef cuisinier ou du responsable qui doit suivre minutieusement leur réception. Elles feront ensuite l’objet de différents traitements culinaires pour être finalement servis aux consommateurs.
Pendant toutes ces phases de la chaine agro-alimentaire l’aliment est analysé, examiné et suivi par le menu afin d’éviter toute contamination susceptible de mettre en danger la santé des consommateurs.
Quelques mesures réglementaires sur la sécurité sanitaire des aliments
Dans le secteur primaire, c’est-à-dire à la phase de production, agriculteurs, pêcheurs et éleveurs sont tous soumis à des contrôles réguliers. Toute exploitation agricole connait principalement des contrôles de type économique et autres de type réglementaire. Ce sont ces derniers qui s’occupent de l’environnement, de la santé végétale et animale et de la sécurité sanitaire des aliments.
Pour ce faire, il faut respecter les textes réglementaires en vigueur. Ceux-ci, mettent au point des obligations et des mesures liées à la sécurité alimentaire de la production agricole.
Par exemple, les directives « nitrates » adoptée en 1991 ont pour mission de veiller sur la protection des eaux contre les nitrates de l’eutrophisation issues des activités agricoles.
D’autres règlements portent sur l’utilisation des phytosanitaires qui sont des substances chimiques ou naturelles visant la protection des végétaux des attaques des organismes nuisibles. D’ailleurs, le plan Ecophyto II+ a pour objectif de réduire de 50% les usages des produits phytosanitaires dans le secteur agricole.
En outre, des vétérinaires sanitaires habilités par l’État sont mobilisés afin de s’assurer de la santé et du bien-être des animaux. Un examen ante mortem et un autre post mortem doivent s’effectuer systématiquement avant et après l’abattage du bétail (vaches, moutons, porcs poulets…) en vue d’attester la bonne qualité de la viande et de s’assurer de l’absence des maladies ou de microorganismes.
Mais s’il est extrêmement important de passer et repasser au crible toutes les opérations de production des matières premières il en va de même pour toutes les autres étapes de la chaîne agro-alimentaire notamment la transformation, la distribution et la remise aux clients et ce toujours en conformité avec lesdites règles.
Fiches des matières premières alimentaires
Après leur conditionnement, les matières premières parviennent au restaurateur par l’intermédiaire d’un fournisseur. Ce dernier est sélectionné par le restaurateur lui-même et avec qui il doit entretenir une bonne relation basée sur le professionnalisme, la bonne entente et le respect mutuel des règles d’hygiène. Celles-ci doivent être appliquées lors de tous les échanges de produits.
Pendant la réception, une multitude de dangers microbiologiques menace les denrées alimentaires c’est pourquoi le processus de contrôle et d’examen minutieux des matières premières doit se poursuivre au sein de l’établissement. Le formulaire de réception mettra en avant les critères demandés : produit non périmé, emballage non détérioré, sécurité sanitaire de la marchandise à l’achat etc.… Et ce, conformément à une logistique particulière où le professionnel doit surtout s’assurer que chaque produit commandé respecte la température réglementaire qui lui est dédiée.
Mais comment réussir à définir ses besoins en termes d’approvisionnement si l’on ne dispose pas d’un inventaire qui recense le stock de son restaurant ?
En réalité, l’approvisionnement des aliments ne doit en aucun cas faire l’objet de prévisions approximatives. Il doit se réaliser au gré d’un plan de gestion des stocks qui classe les matières premières selon leur date de réception, leur DLC, et leur volume d’utilisation en cuisine.
En effet, les produits alimentaires qui sont les plus utilisés dans un restaurant sont approvisionnés de manière plus fréquente et plus importante que les produits secondaires. Par exemple, un restaurant servant des plats uniquement à base de poissons et de crustacés, son approvisionnement en produits de la pêche et de l’aquaculture est beaucoup plus important qu’en produits laitiers ou en céréales.
L’organisation des matières premières par type et nature permet de segmenter les produits en familles d’aliments facilitant ainsi leur approvisionnement et leur stockage.
1ère fiche : Viandes
– les viandes domestiques comme le bœuf, veau, agneau, porc
– Les viandes hachées
– Les abats : cœur, foie, rognons, tripes, langue
– Les gibiers : biche, chevreuil, faisan, perdrix
– Les volailles et les lagomorphes : poulet, dinde, canard, coq, poule, lapin, lièvre
– les viandes exotiques communément appelées « viandes de brousse » comme la viande d’autruche ou de kangourou.
N.B : Il ne faut pas oublier de mentionner les préparations de viandes qui sont des denrées alimentaires mélangées avec de la viande hachée ou fragmentée, des condiments et éventuellement des additifs.
2ème fiche : Produits de la pêche et de l’aquaculture
– Poissons : saumon, dorade, cabillaud, merlu,
– Mollusques : Moule, huitres, palourde, amande
– Crevettes
– Céphalopodes : poulpe, pieuvre, seiche, calamar
– Autres invertébrés : oursin, bêche de mer
3ème fiche: œufs et ovoproduits (jaune ou blanc d’œufs liquide, en poudre, cuit, congelé, etc…)
D’après la réglementation européenne les ovoproduits sont des :
« Produits qui ont été obtenus à partir de l’œuf, de ses différents composants ou de leurs mélanges, après élimination de la coquille et des membranes, et qui sont destinés à la consommation humaine ; ils peuvent être partiellement complétés par d’autres denrées alimentaires ou additifs ; ils peuvent être soit liquides soit concentrés, séchés, cristallisés, congelés, surgelés ou coagulés »
N.B : Etant donné leur fragilité, les œufs doivent provenir d’un centre d’emballage agrée. Il est également recommandé d’opter pour l’achat d’œufs vendus seulement 21 jours après leur ponte.
4ème fiche: produits laitiers
Lait, beurre, yaourt, fromage blanc, boissons lactées aromatisées, crèmes desserts, fromage, crème, beurre, lait en poudre, lait concentré sont indispensables à la préparation de plats salés, desserts lactés frais, pâtisseries, pains au lait etc.
En revanche, tous ces produits à base de lait peuvent contenir des germes pathogènes dangereux comme le staphylocoque, la salmonelle, l’E. coli, présents notamment dans le lait cru. Lors de la préparation des plats à base de lait cru ou de fromage à base de lait cru le personnel restaurateur doit mettre en évidence la mention « lait cru » sur les produits en question tel qu’il est prescrit par la formation en hygiène alimentaire. L’étiquetage de cette mention est obligatoire car tout contact du lait cru avec un autre aliment peut gravement nuire à la santé des personnes sensibles.
5ème fiche : Fruits, légumes et céréales
Un bon restaurateur cherche toujours à présenter des plats à base de produits alimentaires de bonne qualité. Pour les fruits et légumes il faut donc penser à s’approvisionner en produits frais, exempts de parasites ou d’humidité extérieure et présentant une maturité suffisante.
Les informations relevées dans les fiches de matières premières font partie du système de traçabilité d’un restaurant. Tout produit alimentaire introduit dans le laboratoire de cuisine qu’il soit utilisé ou non dans une préparation doit être directement noté sur la liste adéquate avec son numéro de lot, son bon de commande, sa DLC, le nom du fournisseur et sa date d’utilisation. Pensez à faire l’étiquetage des aliments afin d’éviter une éventuelle confusion.
A défaut d’un système de gestion des matières premières, le restaurateur ne sera pas en mesure d’adapter ses approvisionnements avec la quantité d’aliments utilisée dans la fabrication. Il découle de ces défaillances de calcul un gaspillage important des aliments et naturellement des ennuis financiers.
Comment éviter le gaspillage des matières premières alimentaires ?
Selon les rapports de recherches de la commission européenne, la France aurait produit 8,8 millions de déchets alimentaires en 2021 soit 14% issus du secteur de production primaire, 20% du secteur des industries agro-alimentaire, 7% du secteur de la distribution et 12% de la restauration.
Les organismes en charge de la sécurité alimentaire comme l’ANSES, DDCSPP, DGCCRF etc ont tout de suite mis en place des mesures préventives et des projets de lutte contre le gaspillage alimentaire afin de viser une alimentation plus durable.
Qu’est-ce qu’un gaspillage alimentaire ?
Le gaspillage alimentaire est défini par le code de l’environnement (Article L541-15-4) comme « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire est perdue, jetée ou dégradée ».
Dimensions non conformes, DLC dépassée, rupture de chaine du froid, mais surtout excédents et restes de plats jetés constituent les causes premières du gaspillage des aliments. Ce dernier a de conséquences graves sur les ressources naturelles énergétiques (eau, sol, oxygène) et économiques.
Quelle(s) solution(s) pour éviter le gaspillage alimentaire ?
Des directives ont été mises en place à la suite d’une réflexion sérieuse sur le problème :
Le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire prévoit de réduire de 50% le gaspillage alimentaire d’ici 2025 pour les secteurs de la distribution et de la restauration collective, et d’ici 2030 pour les autres secteurs.
Dans cette même optique, la loi « Garot » promulguée en 2016 favorise la prévention du gaspillage en utilisant les invendus par le don ou la transformation, puis en les valorisant dans l’alimentation animale, et enfin en utilisant les restes alimentaires à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique.
De plus, depuis 2019 et en application de la loi EGAlim, les opérateurs de la restauration collective (> 3 000 repas préparés / jour) ainsi que les opérateurs de l’industrie agroalimentaire (> 50M€ de chiffre d’affaire) sont dans l’obligation de proposer une convention de don à une association d’aide alimentaire.
Il est également interdit de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables. Enfin, tous les professionnels de la restauration collective sont appelés à effectuer un diagnostic de gaspillage alimentaire afin d’éliminer les risques et les facteurs responsables.
Conclusion sur la gestion des matières premières alimentaires
Gérer son stock de matières premières est pour les entreprises, les fournisseurs, les restaurateurs une tâche nécessaire et incontournable. Par ailleurs, cette gestion concerne également les matériaux et les locaux du restaurant.
Pour s’assurer que les préparations et les traitements des denrées alimentaires se font dans un espace propre, sain et protégé, tout le personnel de cuisine et les équipes de travail doivent avoir une bonne conduite et une connaissance commune en termes d’hygiène alimentaire qu’ils acquièrent à l’issue de la formation en hygiène alimentaire HACCP. Cette formation, facilitera leur activité et garantira le bon déroulement des contrôles d’inspection.
Enfin, le professionnel doit s’assurer du bon fonctionnement de son activité et posséder le moyen nécessaire pour mettre à la marge tout risque susceptible de menacer la sécurité sanitaire de son restaurant.